« Un homme tombe de son bateau. Il est parti pêcher, seul, sur ce bateau qu’il connaît bien, l’ayant pratiqué durant sa jeunesse en compagnie de son père. Il n’est plus dans une forme physique suffisante pour se hisser à bord facilement. Il va peu à peu épuiser ses forces à nager. Au fur et à mesure les souvenirs et les réflexions vont se faire chair dans ce corps promis à la noyade. Dans l’épaisseur de la chair ce sont les traces du passé qui font poids, le parcours de la famille, l’Algérie, d’où vient le père. Qui eut le malheur un jour de dire à son fils qu’il n’était pas un "vrai pied noir". Le nouveau roman de Jean-Marie Blas de Roblès est tout aussi réussi que ses précédents, même s’il relève d’une construction et d’une manière d’approcher le récit très différente de Là où les tigres sont chez eux (Prix Médicis, Grand prix Jean Giono) ou L’île du point Nemo, deux des romans les plus passionnants des dix dernières années.
Jean-Marie Blas de Roblès est né à Sidi-Bel-Abbès, département français d’Algérie ; enfant il a connu le retour en France, avec le départ de sa famille qui s’installa dans le Var. Comme bien des enfants la part d’histoire que portaient ses parents a pu longtemps lui échapper.
En écrivant Dans l’épaisseur de la chair, il livre sans doute une part importante de lui-même, de son parcours, de ce qui l’a façonné. Il fait surtout, une fois de plus, une fois encore, œuvre d’écrivain, se servant de toutes les ressources de sa langue (toujours aussi somptueuse) et de sa capacité à raconter des histoires comme s’il s’agissait de contes anciens (à moitié nourris d’Orient à moitié d’Occident).
Précision de la phrase, sûreté de l’adjectif, vivacité des descriptions, humour et ironie sous-jacente n’hésitant pas à faire surface tel un poisson volant pour happer le détail incongru, on retrouve la "plume" de Blas de Roblès. Dans un jeu permanent de miroirs parfois ponctué de quelques trompe-l’œil, la mythologie familiale se mélange à l’histoire de tout un peuple d’Algérie, à l’histoire d’une époque révolue dont nous n’avons plus assez de traces. L’histoire de Manuel Cortès, fils d’émigrés espagnols dans la ville de garnison de Sidi-Bel-Abbès, pêcheur impénitent, médecin, engagé volontaire auprès des Alliés (les pages sur la présence des Algériens dans la Seconde Guerre mondiale sont époustouflantes), l’histoire de ce Manuel Cortès que son fils en train de se noyer a toujours aimé profondément, résonnera longtemps dans la mémoire des lecteurs. » Librairie Labyrinthes — RambouilletNe passez pas à côté de ce By the rivers of Babylon, et retenez le nom de Kei Miller ; c’est l’un des grands écrivains à découvrir cette année ! » Librairie Labyrinthes — Rambouillet
« La première chose à laquelle on pense en ouvrant les premières pages de LA LETTRE À HELGA, c’est à l’incroyable persévérance avec laquelle les éditions Zulma nous apportent année après année de grands livres, souvent issus de tradition littéraires étrangères hors du domaine anglo-saxon. Ici l’islandais est de retour, comme un écho du choc que nous avions eu avec ROSA CANDIDA il y a tout juste trois ans, lors de la rentrée littéraire 2010. La traductrice de ce roman de Bergsveinn Birgisson (encore un nouveau nom islandais qu’il va falloir s’habituer à prononcer ; bon, la règle est simple : la maman de ROSA CANDIDA est un écrivain féminin, son nom se termine en « dottir » (fille de) ; le papa de LA LETTRE À HELGA est un écrivain masculin, son nom se termine en « son » (fils de). Pour les prénoms c’est plus compliqué, chacun se débrouille avec ses capacités mémorielles) est d’ailleurs la même que celle Auður Ava Ólafsdóttir.
Très vite on pense à autre chose. Le titre est explicite : il s’agit d’une lettre, adressée à Helga – son ancien amour – par le vieux Gíslason, Bjarni de son prénom, contrôleur de fourrage, éleveur de moutons et brebis, pêcheur, habitant éternel de la lande islandaise. On y découvrira et le parcours et les tribulations de leur relation (chacun fut marié de son côté). On y découvrira aussi les regrets et les non-dits de Bjarni, les tensions qu’il tut, les secrets qu’il enfouit. Confession tout autant que plaidoyer et hymne à la vie, ce testament d’un vieil homme au soir de l’existence se rythme d’éclairs poétiques issus des sagas islandaises, d’un lyrisme naturaliste sans apprêts, d’une qualité intrinsèque de langue, d’une oralité lancinante. Car c’est, plus encore que les aveux et les repentirs qui font histoire, la beauté et la force tranquille de cette langue qui envoûtent le lecteur : âpre, rugueuse, brute et belle, immémoriale, c’est la langue du Cantique des Cantiques, c’est la langue bouleversante de celui qui dit le vrai sans se plier aux codes appliqués du paraître, c’est la langue d’un écrivain au plus juste. Une découverte indispensable ! » Librairie Labyrinthes — Rambouillet