En neuf nouvelles haletantes, Eduardo Antonio Parra nous offre une manière de roman à épisodes consacré à la nuit mexicaine des  prostituées, des cholos ou coyotes de rue et des noceurs invétérés, tragique et infiniment solitaire, vouée aux effigies à face de squelette ricanant de la drogue et du sexe, de ce Mexique comme enivré des effluves du désir et de la mort, que nous révélèrent en leur temps un Juan Rulfo dans son Pedro Paramo ou l’auteur d’Au-dessous du volcan. La vengeance primitive exaltée par un Borges, la jouissance dans la mort évoquant un Mishima, mais aussi cette très bunuelienne prostituée qui, comme une déesse, n’ose pas s’offrir à la chiennerie humaine : « Dehors, elle inspira l’haleine putride de la nuit. Ça sentait la chaleur, la sueur desséchée, les ordures. » Ou ce minable escroc, rescapé du plus épouvantable châtiment que seul un Poe eût pu décrire ; ou encore ce chasseur de prime échappé d’un western de Leone ou de Sturge, qui semble ne pouvoir accomplir sa mission qu’en s’identifiant corps et âme à sa proie. Tout se passe face au vide ultime, quand le néant grimace, avec soudain, parfois, un sourire qui s’agrandit dans le pub du dernier verre où une cumbia hystérique crève les haut-parleurs. Dans la rumeur hantée du Rio Bravo où roule la foule des noyés qui crurent atteindre l’autre rive, ces histoires de meurtre, de pulsions chaotiques et d’amour éperdu révèlent un écrivain de haute allure. Lauréat du prix Antonin Artaud pour ce recueil en 2009, Eduardo Antonio Parra qui décrit par les marges, à travers une cohorte de drogués, d’indigents, de voyous et de travestis, les villes frontalières comme Monterrey où il demeure, les déserts de Chihuahua et les spectres du Rio Bravo, s’inscrit avec maestria dans la grande littérature mexicaine des Juan Rulfo et Carlos Fuentes.