« Notre admiration pour le travail d’Hubert Haddad commence d’être connue des lecteurs qui fréquentent Labyrinthes. Année après année, livre après livre, ce prodigieux romancier, cet exceptionnel auteur de nouvelles, ce formidable manieur de langue, qui allie lyrisme et métaphores, manifeste un sens du rythme narratif quasiment sans égal dans la littérature française contemporaine. Année après année Hubert Haddad écrit et publie. Il y eut L’Univers, ce roman dictionnaire, Palestine qui nous disait l’étrangeté de la notion d’identité et d’appartenance à une nation, Géométrie d’un rêve, l’un des romans français « littéraires » les plus marquants de la décennie, la réédition en deux magnifiques coffrets de ses nouvelles sous le joli titre Nouvelles du jour et de la nuit… Nos dithyrambes ont raison d’être, et nous invitons ceux qui n’ont pas encore goûté à l’écriture d’Haddad d’y aller faire station et bombance. Son nouveau roman, Opium Poppy, s’attaque à un sujet choc : un enfant soldat d’Afghanistan, un patchoune, qui fera le coup de feu et le trafic d’opium, puis prendra le chemin des exilés pour finir en France. Un autre écrivain aura tiré profit de toute la charge potentielle de pathos d’un tel thème pour faire un livre plein de bons sentiments, voire se terminant d’hollywoodienne façon par un happy end. Pas Hubert Haddad, qui respecte trop ses lecteurs et l’humanité en général (et l’écriture) pour s’égarer dans cette voie. Alternant des chapitres de misère d’exilé pourchassé dans la France d’aujourd’hui et des chapitres de flash back de son jeune héros enfant sans nom et sans identité (il est nommé par les autres, qui lui attribuent surnom après surnom, en fonction des accidents et circonstances qui le ballotent), Haddad sur un rythme très rapide, sans temps mort, s’appuie sur la puissance d’une langue très travaillée pour entraîner le lecteur dans l’alternance de l’élégiaque et de l’apocalyptique. Le monde est beau. Le monde est empli de violence. Les hommes sont hideux et violents. L’humanité est toujours là. La terrible fin de ce livre ne fait aucune concession à cette démarche qui oscille entre l’exposition des simples faits que nous ne devons pas ignorer et le désir qu’il en soit autrement. Grand livre, grande écriture, une fois encore la preuve que l’une des fonctions de l’écrivain peut être de « prendre la parole pour ceux qui ne l’ont pas pour qu’ils se fassent entendre », Opium Poppy ne laissera aucun lecteur indifférent. Déjà repéré par certains critiques (il y en a parfois des bons, il faut le reconnaître), ce nouveau roman de Hubert Haddad sera peut être celui qui le fera le plus connaître du grand public (un de ces critiques a écrit « Avec Opium Poppy, l’un des romans phares de cette rentrée, l’auteur de Palestine mériterait d’obtenir enfin un grand prix littéraire à l’aune de son talent »… on prie pour que cela se réalise !). » Jean Milbergue, librairie Labyrinthes — Rambouillet