« Méditation étonnamment légère sur la perte d’un être cher, et intrigue policière inattendue. Excentriques voisins d’un quartier pourtant très banal, les personnages des Nuits de laitue semblent toujours en mouvement, y compris Otto, le personnage central insomniaque et antisocial, accablé depuis le décès imprévisible de son épouse Ada. Formant une merveilleuse galerie de portraits, ces personnages pourtant banals semblent tous affublés de manies curieuses, tel Aníbal le facteur dilettante, qui distribue les courriers à tort et à travers, Nico l’assistant pharmacien passionné des notices de médicaments et de leurs effrayants effets secondaires potentiels, Iolanda la mystique qui épouse toutes les croyances ou encore Teresa et ses trois chiens fous furieux. L’unique M. Taniguchi, “centenaire taciturne, sobre et consciencieux”, malheureusement atteint de la maladie d’Alzheimer est le “clou” de cette galerie de portraits, personnage inspiré à l’auteur par Hiroo Onoda, ce soldat japonais qui ne crut jamais à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et se battit jusqu’en 1974 dans une île des Philippines, avant de finalement renoncer sur ordre de son commandant, et d’émigrer pour finir ses jours au Brésil. Tout en se remémorant de manière erratique de fragments heureux de sa vie conjugale, avec une Ada virevoltante et indispensable, Otto lutte pour faire face aux situations les plus élémentaires depuis sa disparition, et, sortant de sa coquille, recueille des indices épars de la vie de ses voisins, qui lui parvenaient jusque-là par le filtre de sa femme. Ces bribes de conversation entendues dans la rue ou à travers les cloisons trop minces le perturbent, évoquant ce qu’ils appellent “l’incident”. Cet homme taciturne qui adore “les histoires de meurtres embrouillées, les films noirs et les polars sanglants” en vient ainsi à penser qu’on lui cache quelque chose. Ce premier roman “en solo” de Vanessa Barbara forme un récit très attachant, méditation mélancolique sur la perte et la solitude sous une forme pleine de légèreté et d’humour, comme un reflet du tempérament de feu follet d’Ada, rappelant la tonalité du Margherita Dolcevita de Stefano Benni, et qui prend au fil des pages un tour inattendu d’intrigue policière. » Librairie Charybde — Paris