Pascal Garnier est une figure marquante de la littérature française contemporaine, dans la lignée des Simenon, Hardellet, Bove ou Calet. Ayant élu domicile dans un petit village en Ardèche, il s’y consacrait à l’écriture et à la peinture. Il nous a quittés le 5 mars 2010.

Roman inédit, roman posthume, Cartons est un de ces chefs-d’œuvre sur le poucedont il détenait la recette comme personne: il y faut du style, de celui qui emporte le lecteur sans crier gare, un humour d’ébène et ce goût immodéré pour les drames humains.

Dans la pharmacie du village où il se retrouve après une mauvaise foulure, Brice rencontre Blanche. Les destins de ces deux esseulés vont un temps se croiser et se répondre, s’étayer presque l’un l’autre à travers les minuscules incidents de la vie. Bon cœur exténué, Brice n’accorde d’ailleurs à Blanche que cette empathie spontanée du naufragé pour les engloutis qui l’entourent ; on découvre en revanche que Blanche projette sur lui un drame ancien dont elle ne sortira pas indemne.

Avec son ironie grinçante, forme de son extrême perspicacité pour tous ces petits faits vrais, ridicules et pathétiques du quotidien, avec son cynisme tendre et cette nostalgie désarmante qui n’appartiennent qu’à lui, et enfin son sens si étudié de la description à l’acide, tout à la fois limpide et classique, Pascal Garnier pourrait faire sienne la formule célèbre de Diogène. À condition de l’inverser : « La désespérance est la dernière chose qui meurt dans l’homme. » Voilà un roman qui se lit d’une traite avec un bonheur inouï, comme une boisson forte avalée cul sec par un temps de chien.