« Si vous ne connaissez pas encore la magnifique collection de poche des éditions Zulma, je ne saurais trop vous conseiller d’y entrer avec ce livre absolument fabuleux d’un auteur hongrois, Ferenc Karinthy: Epépé ou l’art de se perdre à tout point de vue!

Vous prenez l’avion pour aller assister à un congrès de linguistique à Helsinki, jusque là, rien que du très normal. Vous vous endormez dans l’avion et quand vous en descendez, la première impression qui vous gagne est que cette ville ne ressemble pas vraiment à Helsinki. Comme vous avez oublié votre montre, il vous est impossible de savoir combien d’heures vous avez dormi, donc d’imaginer dans quel coin de la planète vous avez atterri. Voici ce qui arrive à Budaï, linguiste confirmé qui se retrouve en un endroit inconnu, où les gens parlent une langue inconnue, où rien ne ressemble à quelque chose de connu. De plus, l’écriture de ce pays semble encore plus inconnue que tout ce qu’il y a d’inconnu dans cette équation fantastique. Mais comme il est un homme raisonnable et raisonné, Budaï va tenter de comprendre la langue qui reste aussi hermétique qu’un sas de banque suisse. En se rapprochant de Epépé ( à moins que ce ne soit Bébé, ou Etiétié ou Edédé, ou Vévé, cette langue montre d’étranges signes de variation!!!) jeune fille qui s’occupe de l’ascenseur de l’hôtel, il pense pouvoir communiquer, mais…

Au fur et à mesure qu’on suit Budaï dans ses efforts désespérés de comprendre, puis de fuir cette ville, on se rend compte de l’importance primordiale de la compréhension du monde dans lequel on vit pour ne serait-ce qu’y survivre, que l’absence des codes sociaux, moraux peuvent nous détruire à petit feu. Dans cette folie qui se dessine tout autour de lui, Budaï ne veut pas se résigner et il n’aura de cesse de tenter de sortir de ce cauchemar. Ferenc Karinthy réussit avec ce livre à nous captiver totalement, à nous entraîner dans les pas de Budaï, jusqu’à ce qu’on referme le livre, que l’on regarde autour de soi, alors on se pince, on se frotte les yeux, non tout va bien, allez, on va dire que tout va bien, ce n’était qu’une hallucination ! » Jean-François Delapré, librairie Saint-Christophe — Lesneven