« Outre son intrigue bien ficelée autour de ce huis clos émotionnel, Kumudini justifie pleinement de se plonger dans l’univers de Tagore. Voilà un roman qui enjoint au décentrement culturel et qui agit comme un vaccin à tout ethnocentrisme littéraire. Pour reprendre le vocabulaire du sociologue Alain Touraine, ce texte est la parfaite illustration en littérature de la thèse « un feu de la modernité pour plusieurs âtres de modernisations ». Car de modernité, il en est bien question dans le roman. A l’instar de nos Balzac et autres Zola, Tagore s’applique à étudier en arrière-plan de son mélodrame, les conséquences des changements sociaux et économiques sur les pratiques culturelles de son pays. Ramené au contexte indien, Kumudiniest le théâtre de l’affrontement dialectique entre la caste et les nouvelles classes, mais aussi entre les superstitions traditionnelles et les aspirations d’individus (notamment de femmes) qui s’affirment en tant que tels. C’est tout l’intérêt de la dualité entre l’époux, dont le mérite l’a propulsé à sa situation de rajah,  et son l’épouse, dont la dignité est l’unique vestige d’une noblesse de sang déchue. Tagore se révèle ainsi comme écrivain de l’incorporation puisque chacun des gestes, des emballements ou des attitudes des personnages trahit leur origine sociale, en tout cas un rapport particulier à l’Argent, nouvelle divinité supplantant le vieux panthéon hindou.   
Il n’est point d’en rajouter pour se convaincre de l’intérêt de Kumudini, révélateur d’une littérature indienne qui, au-delà du ballet de saris et autres bijoux multicolores, cerne avec acuité les mutations sociales dont elle est témoin. Un propos méta-textuel qui rappelle la stature de Rabindranath Tagore dans le cénacle des grands écrivains. Une nouvelle audace de la maison Zulma qu’il serait dommage d’ignorer. » Adrien, librairie Préambule — Cassis