« Beaucoup auront du mal à mémoriser son nom, cela ne les empêchera pas d’applaudir à son livre qui commence à faire sensation dans le monde des libraires ravis de le conseiller à leurs clients demandeurs d’originalité. Audur Ava Ólafsdóttir est donc islandaise, vous savez, de ce peuple lointain mais européen qui cultive la plus vieille langue d’Europe sur un sol particulièrement peu fertile mais où l’on compte le plus grand nombre d’écrivains au kilomètre carré. La crise de la littérature ne semble pas avoir affecté cette civilisation de l’écrit égarée dans la finance et la preuve en est faite avec Rosa candida qui paraît aux éditions Zulma, cet éditeur qui réhabilite la tapisserie pour orner les belles couvertures de ses livres : livre vert parcouru de rondeurs éblouissantes, ce roman nous emporte ou plutôt nous entraîne dans les pas d’un héros exaspérant de candeur et donc séduisant en diable, un jeune homme de vingt-deux ans qui quitte son île sans arbre pour traverser ce qu’on appelle là-bas le “continent” au volant d’une voiture, gardant précieusement avec lui trois plants de roses, une passion héritée de sa mère et cultivée avec une volonté qu’on dirait volontiers inflexible (les mots vont souvent ensemble) si elle n’était mâtinée d’une inquiétude et d’un tourment intérieur joliment analysés par l’aventureux voyageur.
[…] On entend déjà parler de “road movie”, cette exaspérante expression qu’on nous sort dès qu’un personnage accomplit plus de cent kilomètres en voiture, mais la route qui sinue sous les roues d’Arnljótur et dans sa propre tête n’est pas du cinéma : c’est le monde réel, inquiétant et fascinant dès qu’on prend le temps de le regarder lentement, une trace de l’homme dans un monde qui a oublié la beauté des roses et le soin qu’elle réclame. Faire simple n’est pas donné à tous les écrivains qui confondent souvent simplicité et pauvreté, la langue islandaise se prête sans doute mieux qu’une autre à la narration de l’essentiel et on peut se réjouir que la traductrice ait su trouver la voix qui convenait à cette histoire simple, ce personnage simplement complexe dans son monde fleuri d’épines. C’est ce qu’on appelle le charme et on peut assurer qu’en matière d’horticulture littéraire, Rosa candida n’en manque pas. » Librairie Mollat — Bordeaux