« Traduire un texte étranger afin de le rendre accessible aux lecteurs français reste à mes yeux un cadeau. J’imagine souvent l’éditeur lire pour la première fois un tapuscrit que va le convaincre dès les premières lignes.
Je ne suis pas éditrice, juste lectrice et libraire au grand cœur, et mon grand plaisir fut qu’une bonne âme mette entre mes mains le magnifique livre de Bergsveinn Birgisson ; sans rien savoir de l’engouement médiatique qu’il déclenchait, je me suis plongée dans la lecture de cet inconnu en confiance, connaissant la grande qualité des textes choisis par Zulma.
Dès les premières pages, la puissance de la plume de l’auteur islandais s’impose ; elle est digne de la force de la nature qui règne sans doute sur sa grande île. Son doctorat en littérature médiévale scandinave aurait pu imposer une langue très intellectuelle, peut-être un peu loin de la réalité d’un monde actuel, et pourtant c’est tout le contraire. Quelle écriture charnelle, quelle  voix…à qui je donnerais “le bon Dieu sans confession”. L’art de ce livre est d’allier en harmonie la rudesse des images de cette nature difficile et le choc émotionnel à la poésie des mots choisis d’un texte rare.
LA LETTRE À HELGA est un plaidoyer pour la nature sauvage, vierge d’intrusion nocive de l’Homme. La campagne islandaise forgée de roches volcaniques et d’eau salée où les couleurs vives, vert, ardoise, blanc aveuglant, maîtrisent le décor force le fermier, le pêcheur à s’adapter, à accepter, à se transcender. L’Homme se perd dans les villes, abandonne son identité et sa capacité à résister aux éléments. L’Homme fait partie de la nature dans son essence même.
Mais c’est une histoire d’amour aussi courte qu’intense, où le désir s’étale de tout son long, comme un chat sous les rayons du soleil. Cet amour emplit les 130 pages du roman, aucun espace n’est accordé au vide ou à l’ennui. Nulles scènes impudiques, pas de sempiternelles envolées lyriques, “juste” les tréfonds d’un homme qui aime et qui veut.
Cher Monsieur Birgisson, je vous aperçois sur la fiche biographique de votre éditeur français, la barbe vous va bien, et ce regard que je devine clair m’incite à écrire que vous portez en vous une mémoire humaniste que vous savez si bien transmettre du bout de vos doigts. L’Islande peut paraître exotique aux yeux d’une Française, je veux vous dire malgré tout que cette nature que vous aimez tant ne m’a jamais parue aussi universelle, et donc mienne également. » Anne Buchy, librairie Libellune — Redon