« Ni un peu, ni beaucoup, ni même passionnément, mais bien absolument à la folie. Voilà comme nous aimons le premier volet du “Jardin des sept crépuscules” de l’Espagnol Miquel de Palol. Une guerre nucléaire a éclaté. A Barcelone, la ville n’est plus que le fantôme d’elle-même : scènes de pillage, de panique, etc., toute civilisation tombe peu à peu en ruines. Un jeune homme, le narrateur, se voit offerte l’opportunité de quitter la cité catalane pour se mettre en sécurité. Perché au sommet de montagnes isolées, un abri l’attend, où d’autres ont déjà trouvé refuge. Au terme de son voyage, bien loin de tout ce qu’il imaginait, c’est une véritable forteresse aux allures de palais qu’il découvre. Une architecture d’un faste hors-norme, des œuvres d’art d’un luxe rare, un aménagement des plus raffinés, quelques passages secrets ou encore un mystérieux jardin où croît une végétation dont l’existence à cette altitude défie les lois de la nature : le lieu se révèle peu à peu des plus sublimes et surprenants. Et les autres « réfugiés », tous éminents représentants de la haute société internationale, ne vont pas moins l’étonner. Dans ce décor somptueux, ils semblent oublier totalement les événements qui bouleversent la planète. Entre incompréhension et indignation, notre héros hésite à réagir et faire connaître ses sentiments, quand bientôt les discussions s’orientent vers l’histoire de la banque Mir, établissement parmi les plus puissants au monde. À tour de parole, les uns et les autres livrent une version de faits dont ils ont parfois été les acteurs principaux, et auxquels certains parmi les hôtes et auditeurs présents ont pu prendre part (où nous apprenons, en même temps que le héros, combien de proche en proche tous ici sont impliqués). Trois journées s’écoulent ainsi, au cours desquelles se dévoilent les différents pans d’une histoire en forme de saga familiale, où interviennent économie et politique, où s’invite une chasse au trésor, et dont les multiples acteurs voient leurs relations évoluer au gré des alliances et des conflits. Amour, amitié, complots, trahison, chantage, lutte pour le pouvoir : les récits qui se succèdent recèlent leurs révélations et leurs zones d’ombre sur les membres de la famille Mir et ceux qui gravitent autour, hommes et femmes dont le destin les apparenterait vite aux descendants des grandes tragédies grecques. Et nous voilà, à l’instar du narrateur, totalement happé, tout autant captif de cette saga qu’ébloui et conquis par la maestria avec laquelle l’auteur mène sa fiction, multipliant histoires et sous-intrigues sans jamais perdre (ni nous faire perdre) le fil de son récit, ménageant ici et là quelques intermèdes et s’amusant aussi à glisser quelques pistes dont il faudra attendre pour savoir enfin si elles sont fausses ou non (rien de mieux que l’entretien de certain mystère pour créer le suspense et susciter cette attente qui font les lecteurs fervents et assidus). Le livre refermé, on a alors plus que très envie d’abord de remercier les éditions Zulma pour nous avoir fait découvrir l’œuvre de Miquel de Palol, et ensuite de leur demander qu’elles ne tardent pas trop à nous offrir les deux autres opus de ce Jardin des sept crépuscules. Car déjà il nous tarde vraiment trop de remonter à bord de cette formidable machine à voyager. Imaginez, immense et magnifique, comptant autant de portes à pousser que de surprises à découvrir, un vaisseau que des cales aux ponts on imaginerait sans fin pouvoir explorer ; un bâtiment abritant un dédale de salles et de pièces toutes porteuses de secrets ; bref, un engin conçu pour vous faire oublier tout des rivages quittés et dont la destination, s’il vous importe bien de la connaître, se laisse toutefois peu à peu éclipser par le plaisir que vous prenez à la traversée. Eh bien, Phrixos le fou est un tel navire. Qui alors pour ne vouloir embarquer ? Et qui, ayant déjà goûté à cette aventure, pour ne plus dès lors espérer que cette unique chose : voir les amarres de nouveau jetées ? Vous l’aurez compris, nous sommes enthousiaste, de la plus heureuse et furieuse des façons. » Elodie, librairie L’Arbre à Lettres — Paris