« Rencontre avec Jean-Marie Blas de Roblès autour de son nouveau roman : La Montagne de minuit. Labyrinthes a déjà eu le plaisir d’accueillir cet écrivain, Prix Médicis 2008 pour Là où les tigres sont chez eux. Il y a des livres que l’on attend avec impatience. Parfois parce que les premiers échos qu’on en eut firent envie, parfois parce que les précédents livres de l’auteur marquèrent. Nous attendions donc avec impatience le nouveau roman de Jean-Marie Blas de Roblès, car son précédent fut notre plus grand choc de lecture en 2008, avant même d’emporter le Prix Médicis (et le Prix Jean Giono, et le Prix des Lecteurs Fnac, et de finir dans les quatre finalistes du Goncourt, qu’il aurait dû avoir selon nous… même si nous sommes de parti pris). Notre impatience se teintait, ne le cachons pas, d’un peu d’angoisse. Quelle allait être la force de son nouveau livre, deux ans après un chef d’œuvre qui lui avait pris dix ans à construire ?
En lisant La montagne de minuit on retrouve toutes les qualités qui nous avaient enthousiasmés dans les “Tigres“. La construction tout d’abord : sont convoquées la mise en abyme, le faux début de manuscrit d’écrivain, le journal, l’échange de lettres, et même jusqu’à la collecte de citations internet. La langue ensuite : tour à tour volubile et secrète, mêlant l’oralité et la retranscription soigneuse et imagée d’impressions, de souvenirs recomposés, elle ne perd jamais ni sa flexion parfaite, ni sa touche d’ironie et de distance. L’érudition est toujours là, tout comme la légèreté, tout comme les extraordinaires moments de rapport au savoir (comme on ira au Tibet il faut bien évoquer le sanscrit et les mandalas…). Mais surtout, et c’est l’essentiel pour un écrivain de cette carrure, les “obsessions” thématiques de l’auteur sont de retour et s’affirment. On pourrait presque dire : se font plus visibles au lecteur. Toute la galaxie du “faux”, de l’opinion contre le savoir, du déformé/transformé par le temps et la mémoire contre l’illusion de réalité, de la vérité et du mensonge, toute cette attention aux champs/chants de la vérité que l’auteur avait déjà su nous transmettre dans son précédent roman sont ici de nouveau présents.
Le point de départ de l’histoire c’est Bastien, un vieux gardien de collège à Lyon, passionné par le Tibet et le lamaïsme. Sa rencontre avec Rose, jeune mère élevant seule son fils Paul, provoquera les enchaînements qui mèneront jusqu’au voyage commun au Tibet, le rêve que Bastien poursuit depuis longtemps. Ah, il faut dire aussi que Bastien porte un secret sur son passé, Rose un secret sur le passé de sa mère, et qu’on verra passer des secrets concernant les “brigades tibétaines” soi-disant voulues par les dirigeants nazis durant la Seconde Guerre mondiale… Sur la “distance” d’un récit court de 160 pages, Blas de Roblès offre un livre nettement plus abordable que le précédent (dont les 780 pages purent effrayer quelques lecteurs…), qui va nous permettre, en tant que libraires, de continuer à le faire découvrir à de nouveaux lecteurs. Une dernière chose à ne pas oublier : l’usage de l’ironie, du second degré, de l’humour, fait partie de l’arsenal de l’auteur et rend ses livres délicieux, pleins de drôleries et de cocasseries qu’on n’oublie pas de sitôt. » Librairie Labyrinthes — Rambouillet