« C’est vers d’autres moiteurs qu’on vous envole cette semaine. Car d’envol il est question tout au long de ce roman. “Quoi de plus humain que ce désir : échapper aux tourments de la Terre et à sa sinistre gravité ? Existe-t-il désir plus humain que celui de s’élever, de voler ?” se demande Gina, en route vers d’autres cieux. Gina c’est la fille – la surdouée d’Augustown, quartier de Kingston en déshérence. Elle est brillante et féroce, promue à un grand avenir. Elle s’élèvera de sa condition de Noire, de pauvre, parce qu’elle maîtrise les armes de Babylon… À savoir l’écriture et la culture des autres, des Blancs d’en haut qui font la pluie et le beau temps. Mais Gina c’est aussi la mère. La mère de Kaia qui en cette chaude après-midi vient de subir l’humiliation suprême pour un rastafari : se faire couper les dreadlocks par un instituteur mal embouché. Une mère rage et courage dont la colère, inévitablement, sera redoutable. Alors en l’attendant et pour passer le temps, Ma Taffy, la grand mère aveugle, la doyenne, la gardienne de la cité, console l’enfant. Elle lui conte la plus belle histoire et la fierté de son peuple : l’ascension du prêcheur Alexander Bedward, qui jadis s’envola au ciel. Et c’est dans une langue poétique, émaillée de créole, que l’ancêtre redonne vie à l’histoire du peuple jamaïcain. Une histoire faite de non-dits et de mutilations, de hauts-faits, de merveilles et de magie aussi. Un conte en quelque sorte, bien au-delà de tout folklore réducteur. Car Gina elle-même nous avertis « (…) attention, ce n’est pas du réalisme magique. Non, vous ne vous en tirerez pas si facilement. Cette histoire parle de gens qui existent comme vous et moi, (…). Et vous pouvez aussi vous arrêter sur une question plus urgente : non pas de savoir si vous croyez à cette histoire, mais plutôt si celle-ci parle de gens que vous n’avez jamais envisagé de prendre en considération » Librairie La Géosphère — Montpellier