« ”Il disait souvent que depuis qu’on s’était extirpés de la boue primitive à plat ventre, c’était le manque qui nous avait façonnés. (…) L’histoire de l’humanité de masse était l’histoire de gens qui luttent et échouent à se procurer les ressources vitales nécessaires.”

Une vie sur le qui-vive donne vite des airs de prédateur ou d’individu apeuré, dans les deux cas l’air d’une bête aux abois, qui montrera les crocs avant la patte blanche.
Makepeace est du genre cow-boy d’hiver, maintenant sa tournée quotidienne dans une ville abandonnée à ses silences et angle-morts, question d’habitude face au vide.
Sauf que Makepeace est aussi une femme qui se cache sous des oripeaux de bonhomme, plus simple, plus sûr.
Dans son monde qui ne compte plus beaucoup d’âmes, un monde – le nôtre ? – qui a succombé à ses droits pris sur la nature, Makepeace veille en solitaire sur ce qui fut sa ville, et ce que fut sa vie, avant.
Avant ce grand désert froid, instable, tenu par des regards en chien de faïence : ermites, rôdeurs, meutes, tout ce qu’un humain peut encore endosser de rôle et de trivialité.
Alors quand surgit Ping, comme rejetée par la taïga, Makepeace tend une main en même temps que l’oreille puisqu’au loin vrombit aussi un moteur, dans les airs.

”Même si j’ai tendance à dire du mal des gens et à penser les pires choses sur leur compte, au fond j’attends toujours qu’ils me surprennent.”

Sursaut, sursis, espoir ?
Il est alors grand temps pour Makepeace d’arrêter d’attendre quelque chose qui ne vient pas, et grand temps de prendre la route, au-devant de quelque chose de peut-être vivant, vivace, encore possible.
Mais ce serait sans compter sur la férocité grégaire d’une humanité condamnée à errer sur la terre qu’elle a elle-même souillée, transformant ses horizons en des zones hostiles, à rebours.

”Étrange, à quel point l’homme n’est jamais plus cruel que quand il se bat pour une idée.”

Une chevauchée racontée au rythme de sentences brutes, d’intuitions fines et dures, de rencontres qui tournent mal et d’un élan de survie qui tient tout en joue.
Chronique louvoyant entre Stalker, La Route, The Last of us (pour l’esprit du titre et pour rester dans le coup), Au nord du monde est un roman né d’un reportage à Tchernobyl, un roman paru il y a déjà plus de dix ans, un roman qui nous incite à non plus imaginer, mais bien appréhender ce à quoi peut ressembler une ère suspendue à sa propre réinvention. »