Sublime Japon ! Ce sont les mots qui nous viennent en refermant ce roman qui s’ouvre sur un jardin à l’image de la Nature et qui nous entraîne dans l’intimité de personnages étranges, inoubliables.
C’est Xu Hi-han, l’ancien marmiton de l’auberge de Dame Hison, devenu à force d’études un savant lettré, qui nous raconte ici la bouleversante histoire de Matabei Reien : peintre et graphiste à Kobé, cet homme jusque-là satisfait de sa vie intime et professionnelle se trouve profondément affecté par un accident. Il abandonne métier et proches, et part s’isoler en pleine nature dans une auberge au nord du Japon, entre la montagne et la mer. 
Sans ressort ni attente, livré au rythme monotone des saisons qui se succèdent avec leur charge d’oubli, Matabei Reien apprend à connaître les autres habitués de la pension de Dame Hison, des solitaires tous marqués par l’histoire récente de ce pays de traditions et de paradoxes. Il découvre surtout, attenant à l’auberge, un magnifique jardin labyrinthe aux perspectives trompeuses et son jardinier, maître Osaki, vieil homme vivant à l’écart dans une baraque où il peint des lavis sur éventails, des « images du monde flottant », tous commentés de haïkus dans le plus pur esprit zen.
Dans son extrême désarroi, Matabei trouve dans le spectacle en miroir du jardin et de la majestueuse nature environnante, montagnes et forêts de la contrée d’Atôra, aux perspectives si savamment intégrées par le jardinier, une forme de consolation qui va peu à peu se muer en ferveur inspirée, en humilité aussi face à la simple beauté.
En même temps, Matabei Reien tente d’élucider le mystère qui entoure la double activité du vieux peintre jardinier. Quel lien dérobé, et sans doute impénétrable, fait sans cesse aller ce dernier d’une œuvre à l’autre, de l’arrangement du jardin à la confection de ses éventails ? Et pourquoi Aé-cha, la pensionnaire collectionneuse de poupées, parle-t-elle avec une telle complaisance d’envoûtement, de temps arrêté ?
Sans même s’en rendre compte, le très oisif et inconsolable Matabei Reien devient insensiblement le disciple dévoué de maître Osaki, avec une passion renouvelée autant qu’inespérée, jusqu’à l’arrivée d’une mystérieuse jeune femme que le plus grand des hasards fait survenir dans la pension de Dame Hison.
Dans cette relation d’apprentissage, ou plutôt de désapprentissage, Matabei fait l’expérience de la maîtrise du désir, et s’inscrit lui-même dans une relation d’apprentissage à l’égard du jeune Xu Hi-han. Mais il semble que l’on soit toujours seul sur le « chemin de rosée » qui mène à la sagesse, le maître ne pouvant servir que de guide, le jardin ne se révélant qu’à celui qui sait reconnaître le rapport ténu entre ce qui est manifeste et ce qui est caché.
Bientôt, des événements considérables, contrastant jusqu’au vertige avec la sérénité première du récit, viennent bouleverser la réalité comme suspendue de cette contrée peut-être rêvée d’Atorâ, laquelle nous évoque de façon insidieuse la phrase de Nicolas Bouvier : « Moi, j’étais envahi par un doute : après tout, si ce pays n’existait pas ? » 
Peindre, jardiner, écrire ou lire, relèvent d’un même geste. Emporté dans le sillage du Peintre d’éventail, le lecteur en ressort transformé. Ainsi qu’une rêverie taillée en pur cristal sur cette impermanence qui fonde nos existences pétries d’illusions et de désirs, c’est un hymne à ce jardin sans pareil qu’est la civilisation nippone.