Au nord du Mexique, en plein désert, la sécheresse frappe le petit village à l’abandon d’Icamole. Seul à tirer encore un peu d’eau de son puits, le fruste Remigio y découvre un jour une fillette morte, d’une extraordinaire beauté. Plus troublé qu’effrayé, il la ramène à la surface et la dépose chez lui. Il ose alors confier son secret à Lucio, son père. Celui-ci s’occupe de la bibliothèque municipale installée dans la grande pièce qu’il avait jadis construite pour un élevage de chèvres ; du temps où sa femme Herlinda était encore en vie. Devenu bibliothécaire, chargé de mettre en service des caisses de livres, Lucio se plonge dans un océan de fiction. Il lit chaque titre avec délectation ou fureur, laisse à tout moment un récit empiéter sur la réalité, devient une sorte de parangon naïf du lecteur : passionné, impulsif, prêt à verser dans la chimère. Lucio prend sa fonction avec un tel sérieux qu’il se projette dans chaque roman, célébrant ce qu’il aime et jetant aux cafards ce qu’il trouve indigne. Limogé un jour à cause du peu de public de sa bibliothèque, il continue d’ouvrir ses caisses, de lire et de classer les titres qui défilent.
 
Quand son fils vient lui révéler l’histoire tragique de la fillette, c’est en toute logique qu’il cherche dans la littérature une explication. N’est-elle pas l’héroïne de la fille du télégraphe ? ou plutôt la Babette d’un célèbre roman ? L’enquête de la police tourne autour des révélations du bibliothécaire, au point d’éveiller la curiosité de la mère de la fillette, grande lectrice elle aussi. Le roman progresse au fil des découvertes d’un lecteur hors normes qui, dans sa candeur émérite, laisse toutes les fictions interpréter et résoudre les cruautés du monde réel.  Parallèlement au drame policier, qui se déploie autour de la sage petite morte et des habitants d’Icamole, le bibliothécaire, dans sa lancée onirique, cherche à rendre Herlinda aussi vivante que les personnages de fiction. Il lui faut pour cela trouver un roman dont Herlinda serait l’héroïne pour, tel un nouvel Orphée, devenir… le dernier lecteur !