Épreuves en forme de jeu de l’oie, incidents en tous genres souvent proches de la catastrophe, rencontres inopinées « dans les zones sombres et inhabitées » ne manquent pas de ponctuer ce circuit cahotant, à la limite parfois du naufrage, lequel est d’abord pour la narratrice une manière de voyage intérieur vers le cœur blessé de sa mémoire et une interrogation nourrie d’échos intimes sur l’apprentissage de la maternité. Cahin-caha, on découvre avec elle et son petit compagnon l’Islande profonde, sa nature ombrageuse et énigmatique livrées aux forces élémentaires, mais aussi, après Reykjavík, la capitale qui rassemble les deux tiers des habitants de l’Islande, tout un peuple épars dans sa vie quotidienne et ses coutumes, paysans, marins, farfadets masculins de passage. « La nature a beau être grandiose, constate-t-elle, les gens divorcent, se trompent mutuellement et gâchent leur vie ici comme ailleurs. »

Roman d’initiation s’il en fût, mais sans le moindre pathos à l’identité, l’Embellie ne cesse de nous enchanter par cette relation de plus en plus cocasse, attentive, émouvante entre la voyageuse et son minuscule passager dont les handicaps deviennent peu à peu presque des grâces à nos yeux. Ainsi que par sa façon incroyablement libre et allègre – on pourrait dire amoureuse – de prendre les fugaces, burlesques et parfois dramatiques péripéties de la vie, sur fond de blessure originelle.

Les « Quarante-sept recettes de cuisine et une de tricot », en appendice du roman, viennent nous rappeler avec esprit l’exercice du ravissement : les lisant et en usant peut-être, l’effet de vraisemblance prend un tour complice et délicieusement amical, comme si nous étions de connivence avec les héros d’Auður Ava Ólafsdóttir, assez disposé à partir à notre tour en voyage sur l’île de cette femme.

Après Rosa candida… 

Publié en Islande en 2008, Rosa candida a tout de suite reçu un accueil chaleureux et a été couronné de deux prix littéraires, le Prix culturel DV de littérature et le Prix littéraire des femmes.

Pourtant, c’est en France que la magie va opérer : révélé par les libraires, finaliste du Prix Femina et du Grand Prix des lectrices de Elle, Rosa candida est l’un des long-sellers les plus remarqués de l’année 2011. Après plus de 90 000 exemplaires vendus en grand format, le succès se confirme en poche (Points), et les ventes totales avoisinent désormais les 200 000 exemplaires.

Une fois de plus, la France se fait remarquer auprès des confrères européens, et le phénomène né chez Zulma se diffuse partout en Europe : en Espagne, c’est Alfaguara qui relève le défi et habille bus et abribus aux couleurs de Rosa candida ; en Italie, ce sont les prestigieuses éditions Einaudi qui en livrent une traduction cette année ; et si Suhrkamp affiche sa différence avec le titre allemand (WeiB ich, wann es Liebe ist ?), le  succès est aussi au rendez-vous.

Les droits de Rosa candida ont été vendus dans la plupart des pays d’Europe : Colibri (Bulgarie), Athene Forlaget (Danemark), MM Boeken (Pays Bas), Albatros (République tchèque), Roumanie (Pandora), Slovart (Slovaquie), Pax (Norvège).

… l’Embellie 

C’est en Islande que nous emmène cette fois Audur Ava Olafsdottir avec l’Embellie, récompensé par le Prix de Littérature de la Ville de Reykjavík, et qui fait l’objet cet automne d’une parution simultanée, en France aux éditions Zulma et en Espagne aux éditions Alfaguara.

Publié initialement en Islande (Bjartur), L’Embellie est également paru en Espagne (Alfaguara).