François Angelier | FRANCE CULTURE | 16.02.11

« On démarre d’abord avec un grand bravo, des bougies à souffler pour une maison d’édition qui s’appelle Zulma ! 20 ans, c’est leur anniversaire, et il y a un auteur fétiche chez Zulma qui justement fête cet anniversaire avec eux : Hubert Haddad.
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Je suis venu avec une petite boîte, qui, quand on voit le graphisme réalisé par David Pearson, pourrait contenir aussi bien des macarons empoisonnés que des fioles d’aphrodisiaques ! Mais non, elle contient cinq nouvelles d’Hubert Haddad, ce qui est d’ailleurs à peu près aussi aphrodisiaque et mortel. Car Hubert Haddad, on le connaît, c’est quelqu’un qui a énormément publié, qui a travaillé aussi bien sur Julien Gracq que sur le fantastique ou la mémoire ethnique – il est d’origine tunisienne…
Lui qui a commencé avec les surréalistes nous livre aujourd’hui Nouvelles du jour et de la nuit : la nuit d’une part, et Nouvelles du jour et de la nuit : le jour d’une autre, des nouvelles marquées par le surréalisme noir, celui de Marcel Brion ou celui de Georges Bataille, avec des personnages tout à fait caractéristiques de cette inspiration érotico-fantastique : tout d’abord  Le Train fantôme, avec cette jeune fille fugueuse qui se réfugie dans une fête foraine dont l’animateur devient fou et commence à tout mitrailler ; Janus à pile ou face, avec deux frères siamois qui se détestent et passent leur temps à se battre, jusqu’au moment où l’un d’entre eux fait fortune et arrive à établir une cloison amovible entre son frère et lui – ils ne se voient plus, bien qu’étant toujours ensemble… Beaucoup d’histoires de familles, de fratries, de tribus, à la fois amoureuses et hostiles : de même, la nouvelle Amaurose, qui met en scène un personnage aveugle qui vit dans un cirque flottant qui fait la tournée des Îles de la Sonde… La femme invisible, qui ne supporte plus son invisibilité ; elle en joue en même temps érotiquement, par exemple en se baladant nue dans la rue et en fréquentant ainsi les cinémas, mais finit par faire des stations devant le miroir où elle s’enduit de farine, de pâte et de confiture pour voir à quoi ressemblent ses traits…
On finira avec L’Inconnu du terminal Beaufor, ma préférée, qui met en scène Ann Darrow : Hubert Haddad a imaginé que la mort de King Kong n’était pas du tout un mythe cinématographique mais une réalité. King Kong est un vrai singe, il est bien mort, et son cadavre pose problème à la municipalité de New York, puisqu’il commence à pourrir. Il est donc déplacé dans une usine désaffectée, et Ann Darrow, l’héroïne du film, ne peut s’empêcher de faire un dernier pèlerinage auprès du singe géant, avec qui elle a connu non pas le parfait amour mais tout de même un grand moment de sentimentalité ; cependant elle est poursuivie par un policier, et, pour se protéger de sa vindicte mortelle, elle est obligée de se réfugier dans le corps de King Kong.
Voilà donc le type de nouvelles que vous pourrez trouver dans ces deux boîtes anniversaire des éditions Zulma, Nouvelles du jour et de la nuit : la nuit et Nouvelles du jour et de la nuit : le jour, de Hubert Haddad. »