Mon nom
Personne ne connaît mon nom, à part Da. Je veux dire mon vrai nom. Parce que j’ai un autre nom. Da m’appelle quelquefois Vieux Os. J’aime vraiment me coucher le plus tard possible. Quand Da m’appelle ainsi, j’ai véritablement l’impression d’avoir cent ans. C’est moi qui ai demandé à Da de garder secret mon nom. Je veux dire mon vrai nom.

Le paradis
Un jour, j’ai demandé à Da de m’expliquer le paradis. Elle m’a montré sa cafetière. C’est le café des Palmes que Da préfère, surtout à cause de son odeur. L’odeur du café des Palmes. Da ferme les yeux. Moi, l’odeur me donne des vertiges.

Les fourmis
La galerie est pavée de briques jaunes. Dans les interstices vivent des colonies de fourmis. Il y a les petites fourmis noires, gaies et un peu folles. Les fourmis rouges, cruelles et carnivores. Et les pires, les fourmis ailées.
Sur ma gauche : une libellule couverte de fourmis.

La nuit
Da aime veiller tard. Une fois, elle a vu Gédéon, suivi de son chien blanc, qui se dirigeait du côté de la rivière. Et cela, un mois après la mort de Gédéon. Da n’a peur de rien. Elle a même appelé Gédéon qui se cachait derrière un grand chapeau de paille. Il a murmuré quelque chose que Da n’a pas compris.
C’était bien Gédéon puisque son chien le suivait.

Le notaire
Un homme marche sous la pluie. C’est le notaire. Il est habillé de blanc, avec canne et chapeau. Autour de lui, les gens courent dans toutes les directions. On dirait des fourmis ailées.
Le notaire Loné, de la rue Desvignes, croit qu’un homme digne de ce nom ne court jamais sous la pluie.

Robe jaune
Je ne l’ai pas vue venir. Elle est arrivée dans mon dos, comme toujours. Elle revenait de la messe de l’après-midi avec sa mère. Vava habite en haut de la pente. Elle porte une robe jaune. Comme la fièvre du même nom.

Cerf-volant
Je la regarde longuement. Sa mère lui tient fermement la main. Je compte le nombre de pas qu’il lui faut pour arriver chez elle. Des fois, elle me donne l’impression d’être un cerf-volant au-dessus des arbres. Le fil est invisible.

Paupières
Les paupières de Vava. Des papillons noirs. Deux larges ailes. Un battement doux, ample. J’ai mal au cœur. Noir. Rouge. Je choisis le jaune.

La mer
Je n’ai qu’à me tourner pour voir un soleil rouge plonger doucement dans la mer turquoise. La mer des Caraïbes se trouve au bout de ma rue. Je la vois scintiller entre les cocotiers, derrière les casernes.

La bicyclette rouge
Cet été encore, je n’aurai pas la bicyclette tant rêvée. La bicyclette rouge promise. Bien sûr, je n’aurais pas pu la monter à cause de mes vertiges, mais il n’y a rien de plus vivant qu’une bicyclette contre un mur. Une bicyclette rouge.