MDekobra Berlin 1930DR

Né à Paris le 26 mai 1885, dans le IXe arrondissement, d’un père représentant en soieries et d’une mère professeur de piano, Maurice Tessier (c’est son vrai nom) habitera longtemps boulevard Sébastopol. Après de bonnes études secondaires au collège Rodin, avenue Trudaine, il passe son bac mais quitte vite la faculté de lettres, et sa famille, pour un séjour linguistique en Allemagne où il finit par s’inscrire lecteur à l’université de Berlin.

Maîtrisant l’allemand, il passe à l’anglais, part à Londres, et débute dans le journalisme (L’Événement, L’Éclair, Daily Mail…) et la traduction (Defoe, London, Twain…). De retour à Paris à la demande de ses parents, il fréquente le milieu montmartrois (Mac Orlan, Dorgelès, Carco, Poulbot…) puis part deux ans au service militaire.

Commence ensuite pour lui une carrière de grand reporter et, en 1908, il prend le pseudonyme de Dekobra (suite à la rencontre d’une voyante à Biskra qui lisait la bonne aventure dans les traces de… deux cobras !) En 1912, il publie un premier roman, Les Mémoires de Rat-de-Cave ou Du cambriolage considéré comme un des beaux-arts, mais deux ans après, c’est la guerre, qu’il fait en tant qu’officier interprète en anglais de l’armée française.

Entre l’armistice et 1920, Dekobra voyage en Europe puis part aux États-Unis pour couvrir l’élection présidentielle et interviewer de très grandes personnalités : Edison, Rockefeller… De retour en France, ses publications sont de plus en plus remarquées jusqu’au succès considérable du roman Mon cœur au ralenti aux éditions Baudinière, suivi l’année suivante, en 1925, du succès international et « scandaleux » de La Madone des Sleepings qui, avec des traductions en une trentaine de langues, se vend à des millions d’exemplaires. Devenu le romancier français le plus riche et célèbre, il entame une tournée de nombreuses conférences à travers le monde où il est reçu comme une véritable star, assaillis par les flashs et les déclarations d’amour. Des stars, il en rencontre de nombreuses à Hollywood (Chaplin, Marlene Dietrich, Errol Flynt, Rita Hayworth…) où il retournera à plusieurs reprises, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale qu’il passe aux États-Unis après de longs voyages en Inde, à Ceylan et au Népal où il est un des premiers Européens à entrer.

De chaque voyage (Turquie, Pakistan, Chine, Japon…), il ramène des romans dits « cosmopolites » et des travel-writings étonnants, encore aujourd’hui. Précurseur en bien des domaines, Dekobra a été un des premiers à dénoncer les méfaits de la standardisation et du stalinisme. Ses romans font bien sûr l’objet d’adaptations cinématographiques (comme, par exemple, Macao, enfer du jeu de Jean Delannoy avec Erich von Stroheim et Mireille Balin) et lui-même se risquera dans l’aventure où il engloutira après-guerre une part de sa fortune.

Passé maître d’une littérature qu’on a pu qualifier d’évasion, il s’est essayé également avec talent au roman policier et, à l’instar de Romain Gary, s’est offert le luxe, en 1951, d’obtenir sous un pseudonyme de jeune homme le Prix du quai des Orfèvres. Malgré plusieurs autobiographies (Sous le signe du cobra, Mes tours du monde) sa vie, à laquelle met fin un arrêt de cœur en 1973, comporte encore bien des mystères et des énigmes. Lire aujourd’hui son œuvre, délivrée des préjugés et des modes littéraires, révèle un écrivain exceptionnel qui réserve bien d’agréables surprises.