« Pour Ananda Devi, écrivaine mauricienne prolifique, l’écriture tend à révéler l’inexprimable, à figurer la violence la plus brûlante, à fouiller les recoins les plus reculés de l’âme humaine pour se faire « la bouche de (…) malheurs qui n’ont point de bouche ». Son dixième roman, Le Sari vert (Gallimard 2009), Prix Louis Guilloux 2010, n’échappe pas à cette exigence : construit sur un huis-clos réunissant la fille et la petite-fille d’un vieux médecin agonisant, il dénonce avec véhémence et âpreté les violences faites aux femmes.

Née à l’île Maurice, riche d’une véritable expérience sensuelle du monde, un peu indienne, un peu africaine, un peu européenne, Ananda Devi fait de son île natale le théâtre de la plupart de ses romans. Interrogeant les identités et les langages qui s’y croisent, recomposant les univers multiples qui s’y côtoient, elle pointe le climat étouffant d’une société cloisonnée, et porte la parole de ceux dont la voix s’est éteinte dans l’exclusion et la brutalité.

Titulaire d’un doctorat d’anthropologie sociale obtenu à Londres, Ananda Devi publie son premier recueil de nouvelles à l’âge de 19 ans. Dès lors, elle écrit une douzaine d’ouvrages, romans, recueils de nouvelles, poésies… Solaire, tragique, poétique, son œuvre met en scène l’autodestruction causée par l’enfermement, s’inspirant autant de l’expérience d’une réalité sociale violente que de celle d’un imaginaire multiple et métissé.

Publié en 2006 et couronné par le prix des Cinq Continents de la francophonie et le prix RFO, Ève de ses décombres (Gallimard), confirme le talent de l’auteur au sein de l’espace littéraire francophone, et la consacre comme une des voix majeures de la littérature mauricienne.

Elle publie en 2011 un récit autobiographique, Les hommes qui me parlent, longue méditation sur l’existence, l’écriture, la solitude. Une écriture forte et violente où, comme souvent dans ses romans, les femmes se libèrent des hommes qui les musèlent en brisant tout autour d’elles. Elle renoue en 2013 avec le genre romanesque dans Les jours vivants. À Portobello Road, la “rue des antiquités” de Londres, vit une vieille dame dont l’âge la rend invisible aux yeux des autres. Elle vit hantée par le souvenir d’un amour de jeunesse. Lorsqu’elle fait la rencontre de Cub, un jeune garçon d’origine jamaïcaine, c’est un tourbillon d’émotions qui refait brutalement surface. Avec force et émotion, Ananda Devi montre comment la société met les individus à l’écart lorsqu’ils passent à un certain âge.

L’autrice continue son engagement littéraire dans un recueil de onze nouvelles, L’Ambassadeur triste. Elle reprend ses grandes thématiques telles que la place de la femme dans la société, le regard des occidentaux sur l’Inde ou encore le choc des traditions et de la modernité dans ses nouvelles, chargées d’une ironie troublante et d’une délicatesse saisissante.

En 2017, elle signe deux recueils. Le premier, intitulé Ceux du large, publié aux Éditions Bruno Doucey, est un recueil de poèmes sur l’errance qui rend hommage à tous ceux qui ont quitté la terre ferme et se sont lancés au large, pour tenter d’atteindre une autre rive, dans l’espoir d’un meilleur futur. Un texte en trois langues : français, anglais, créole.
Le deuxième, L’illusion poétique, dit son angoisse et sa terreur face au monde et à l’actualité internationale, mais aussi la poésie et le merveilleux qui subsistent.

Dans son roman Manger l’autre, la plume de l’écrivaine nous guide à travers l’histoire d’une jeune fille hors-normes, adolescente obèse abandonnée par sa mère, gavée par son père et victime de harcèlement. L’occasion d’interroger la violence des réseaux sociaux et les normes sociales qu’ils imposent sur les corps. C’est aussi une histoire d’amour, d’amour romantique et charnel mais aussi l’amour dévorant d’un père, convaincu qu’elle a dévoré sa jumelle in utero, et qui nie son individualité. Manger l’autre n’est pas un livre qui se grignote : la lucidité et l’autodérision féroce de la narratrice, le style cru et acéré de l’écrivaine prennent aux tripes et ne lâchent plus. Une lecture dont on ne sort pas indemne.

Ananda Devi revient ce printemps avec Les promenades de Timothée, un ouvrage poétique sur la beauté du monde, illustré par Mary-des-ailes. »

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