
5,49 € • Paru le 03/01/13
• Télécharger
la couverture en HD
• Imprimer l’argumentaire
Livres numériques
Little Big Bang
Roman traduit de l’hébreu par Dominique Rotermund
À partir d’un événement pour le moins insolite, traité à la manière positive du conteur, Benny Barbash nous offre une fable à mourir de rire, d’une pertinence abrasive.
Benny Barbash : "La mémoire est un couteau à double tranchant"
Moins connu en France qu'Amos Oz, Benny Barbash est lui aussi l'un des fondateurs du mouvement La Paix maintenant. Mais en Israël, tout le monde sait que ses pièces de théâtre, films et séries télé sont très politisés. Et même, admet-il comme à regret de sa voix douce et profonde, ses romans. « La politique s'est infiltrée dans toutes les strates de la société israélienne : que l'on prenne un taxi, boive un café ou célèbre Seder, on discute politique. On ne peut y échapper, ni fuir ces questions : elles vous courent après. »Il n'en va pas autrement de Little Big Bang, un roman drôlement grinçant, à mi-chemin entre la longue nouvelle et la fable politique. Ou comment un père de famille qui commence un régime va devenir la pierre d'achoppement du conflit israélo-palestinien. De fait, le livre s'ouvre ainsi : « Mon père est gros. Ou plutôt, il l'était, jusqu'à ce que des choses étranges lui arrivent, tellement étranges que le lecteur se refusera à croire qu'elles aient effectivement pu se produire. Mais je n'en parlerai que plus tard, le moment venu. Pour l'heure, il ne s'est encore rien passé. »
Pour Benny Barbash, cette habile manière de maintenir le suspense tout en suggérant sa futilité est moins une technique littéraire que « typique de la façon dont les enfants racontent les histoires : par associations d'idées, digressions, sans notions d'espace ni de temps. Faire d'un enfant mon narrateur m'ouvrait un nombre de portes infini. Par le prisme de son innocence, mon histoire pouvait osciller entre ironie et naïveté, et s'enrichir de nombreuses teintes ». De plus, cette « technique » - déjà utilisée dans My First Sony (Zulma, prix Grand Public du Salon du livre 2008) - lui permet d'investir très efficacement (et de décrire, sans filtre ni tabou) plusieurs champs : familial, social, politique.
Soit donc le père d'Assaf - le narrateur, 13 ans à peine. Qui, se trouvant trop gros, se met à tester tous les régimes possibles : comment maigrir en mangeant de tout (dans les quantités voulues mais uniquement entre dix heures et midi), comment perdre cent grammes toutes les six minutes (nouvelle édition du best-seller Comment perdre un kilo par heure), etc., jusqu'à ce que la plus connue des diététiciennes lui conseille... le régime à base d'olives. Neuf jours après qu'il eut manqué s'étouffer avec un noyau, on découvre qu'un minuscule olivier pousse dans son oreille. Comme cette découverte survient au lendemain d'une - trop rare - nuit d'amour, sa femme décide d'abord de l'ignorer et de se rassurer en ouvrant le journal. Et, ma foi, oui, pour Israël, tout semble parfaitement normal : « Grand soleil, chute du cours de la Bourse, deux suspects palestiniens - une fillette de deux ans et un garçon de quatre ans - tués par un jeune Israélien, tireur d'élite chez les parachutistes (...), révélation de quatre affaires de corruption pour des marchés publics (...), peut-être une guerre avec la Syrie pour l'été, et très prochainement la bombe nucléaire aux mains de l'Iran, qui pourra alors anéantir Israël en moins d'une seconde. Ces nouvelles apaisèrent beaucoup Maman, parce que c'était la vie courante. »
Explication : « Quand j'étais à l'armée et que je devais annoncer aux familles un événement tragique, certaines s'écroulaient, mais d'autres ouvraient leur frigidaire, se faisaient un café - une manière de se raccrocher à la vie, à la normalité, et de repousser le moment où il faudrait faire face. » Dramatique ? « C'est malheureusement la réalité. Israël vit sous une menace permanente. »
Ainsi, après moult tentatives de traitement (car, « même lorsque les médecins ignorent l'origine d'une maladie ou comment la soigner, ils s'entêtent à essayer sur le malade une panoplie de soins, selon la théorie qui veut que si l'on tire tous azimuts en pleine nuit, il se trouvera toujours une balle pour faire mouche »), le père va consulter un cultivateur dans les territoires palestiniens. Qui lui conseille - rien de moins - d'apprendre à connaître et à vivre avec cet « arbre têtu ». Il n'aura de toute façon pas le choix puisque l'olivier finit par prendre racine. S'ensuivent des discussions enflammées sur le lien éternel qui unirait le peuple à sa terre.
Enflammées, et sans fin. En effet, Benny Barbash a pris le parti de ne pas en donner car, écrit-il, « depuis, on s'est habitué à vivre avec, l'intérêt diminue et si, malgré tout, il devait se produire quelque chose d'extraordinaire, vous le verrez à la télévision ». Quand on lui fait remarquer que, bizarrement, cette non-fin est beaucoup plus dure et insupportable que celle, pourtant tragique (Yotam découvre son père pendu), de My First Sony, Benny Barbash ne peut réprimer un doux et triste sourire : « C'est aussi ce que pense ma mère. Je voulais trouver une histoire où la fin reflétait la situation sans issue du conflit israélo-palestinien. A bien des égards et pour bien des raisons, l'avenir est totalement bouché. »
Profonde analyse de la société israélienne contemporaine, Little Big Bang est également une fantastique fresque familiale, dévoilant les tensions et les douleurs encore vives qui hantent cette génération post-Shoah, tiraillée entre passé et présent. Pour Benny Barbash, la mémoire est un « couteau à double tranchant : nécessaire pour se construire une identité, mais ennemie du progrès et du changement ». Mais c'est aussi une réflexion sur l'écriture et la parole : « Pour qu'un cri ou un son existe, il faut une oreille pour les entendre, une voix que personne n'entendrait n'existe tout simplement pas », pouvait-on lire dans le décidément formidable My First Sony.
Alors Benny Barbash écrit, préférant, malgré cette histoire à l'apparence loufoque, les explications logiques car, « avec les miracles, on ouvre la porte à trop de fantômes et de fantasmes ». Il ne peut néanmoins s'empêcher de rêver : « Si tous les Israéliens apprenaient l'arabe, ce serait un grand pas. Je reviens de Chine où s'est installé, pour un temps, un de mes fils. Pour moi qui ne comprends pas la langue, c'est une masse compacte de visages, tous identiques et un peu effrayants. Mais il a suffi que mon fils s'exprime dans leur langue pour que les visages s'ouvrent. Pour que la masse compacte devienne plus humaine. Pour que, soudain, il soit au moins possible de parler. »
Emilie Grangeray, le Monde des livres, 25 février 2011
L’olive et le territoire, une fable de Benny Barbash qui dénoyaute Israël
C’est si incongru d’éclater de rire en lisant un roman évoquant la Shoah et le conflit israélo-palestinien que l’auteur de ce petit miracle mérite d’être salué. D’autant que cet homme est en passe de devenir une des figures de la littérature israélienne. Benny Barbash n’est pas totalement inconnu en France puisque son précédent livre, My First Sony, avait reçu le prix grand public de Salon du Livre de Paris en 2008. Avec Little Big Bang, ce dramaturge et scénariste creuse la veine de la fresque familiale sur fond de soubresauts de la société israélienne. Little Big Bang, à vrai dire, relève davantage de la fable.
L’histoire est abracadabrante et poétique, voyez un peu : un bon père de famille israélien frôlant l’obésité, par la faute – on le suppose – de ces schnitzels (escalopes panées) et bambas (chips) dont les Israéliens raffolent, décide un jour de maigrir à tout prix. Malgré les moqueries affectueuses – et savoureuses – de sa femme et de ses parents, il s’astreint à tous les « tout » : le tout-fruit, le tout-viande, le tout-carotte… jusqu’au jour où une diététicienne de renom lui suggère le tout-olive. Fort bien. Sauf qu’un matin de shabbat, à force de gober ces petites choses glissantes à la pelle, il s’étouffe avec un noyau, lequel reste coincé dans son épigastre et finir par donner naissance à… un olivier qui va pousser à travers son oreille ! Pas besoin d’être grand psychologue ou grand géopoliticien pour comprendre l’allégorie de l’olivier, symbole de paix, et surtout de racines. « Lorsque maman tenta de saisir la chose et de tirer dessus, papa laissa échapper un tel hurlement qu’elle lâcha prise aussitôt, effrayée. Ce fut peut-être, dans toute cette histoire étrange, sa plus grande erreur, comme nous l’expliquerait bientôt Abu Rudjum. Nous aurions pu encore déraciner cette chose, avant qu’elle ne se transforme en une colonie illégale que l’on ne peut plus déloger. » Nous y voilà, la colonisation, ce grand mal de la société israélienne d’aujourd’hui, que notre romancier choisit de tourner drôlement en ridicule, ce qui donne à la condamnation bien plus de férocité. Il n’est en effet pas interdit de faire le parallèle avec certaines déclarations de colons intégristes interdisant de prendre part à « toute action qui viserait à déraciner les Juifs de n’importe quelle partie de notre terre sacrée ».
Né à Beer-Sheva en 1951, soit trois ans après la création de l’Etat d’Israël, Benny Barbash raconte avec une drôlerie sans nom – et aussi beaucoup de tendresse – les tensions et les contradictions qui hantent cette génération d’après la Shoah, déchirée entre ses angoisses existentielles, ses mythes fondateurs, son désir de modernité et son malaise vis-à-vis du problème palestinien. Allez, on n’y résiste pas : « Le grand problème avec le sens de l’honneur des peuplades primitives, c’est qu’il est impossible de prévoir ce qui va les offenser. Il faut se montrer très prudent, tout ce que vous dites ou ne dites pas pouvant être pris pour une offense, auquel cas, comme je viens de l’expliquer, vous êtes foutu. C’est pourquoi il est particulièrement difficile de conclure avec eux le moindre accord de paix… »
Alexandra Schwartzbrod, Libération, 10 février 2011
« Le processus de paix, version Marx Brothers. » Didier Jacob, Le Nouvel Observateur
« C’est si incongru d’éclater de rire en lisant un roman évoquant la Shoah et le conflit israélo-palestinien que l’auteur de ce petit miracle mérite d’être salué. D’autant que cet homme est en passe de devenir une des figures de la littérature israélienne. » Alexandra Schwartzbrod, Libération
« Profonde analyse de la société israélienne contemporaine, Little Big Bang est également une fantastique fresque familiale, dévoilant les tensions et les douleurs encore vives qui hantent cette génération post-Shoah, tiraillée entre passé et présent. » Emilie Grangeray, Le Monde des livres
Pour écouter le coup de coeur de Romain Vachou, de "La librairie du Tramway" à Lyon, cliquez ici.
Pour lire un article, cliquez sur le titre :
Passion des livres
Bric à book
La Marche aux pages
Midola's blog
Sefarad.org
Le blog de Yohan
ActuaLitté
Skriban
JSS
Suspends ton vol
Revue Lecture Jeune
LeDevoir.com
Convolvulus
Madame Pef
Cinéphile m'était conté…
Un lapin dans la bibliothèque
Paperblog
La ballade de Mathylde
Chroniques d'une lectrice
Les facéties de Lucie
La Cause littéraire
La Viduité
Simple drame ménager au départ, le polype de forme végétale dans l’oreille du père de famille attire l’attention et les commentaires d’une épouse flegmatique, d’une grand-mère poule typique, d’un grand-père astrophysicien qui ramène drôlement chaque fait de ce coin de terre à la démesure cosmique.
Partant du principe qu’une bonne fable est une manière de prendre l’actualité au pied de la lettre, Benny Barbash semble évoquer dans ce roman certaine déclaration de colons intégristes interdisant de prendre part « à toute action qui viserait à déraciner les Juifs de n’importe quelle partie de notre terre sacrée ». En moderne voltairien qui cultive la satire sous le couvert d’une fiction invraisemblable racontée posément à la manière de Marcel Aymé ou d’Italo Calvino, l’auteur de My First Sony revient sur les pesanteurs politiques et idéologiques de la société israélienne, à la fois ouverte à la modernité et bloquée dans son déni des droits du peuple palestinien à disposer d’un territoire souverain.
Ces archaïsmes, Benny Barbash les analyse l’air de rien, sur le mode de l’allégorie et de la parabole, dans un scénario remarquablement bien ficelé où le mythe de l’olivier symbiotique trouve un terrain à réflexion particulièrement fertile.